Comprendre l’impact environnemental de l’IA pour mieux agir

Toi aussi, ton écoanxiété grimpe dès qu’on prononce le mot “Intelligence Artificielle” ? Et toi aussi, tu vois passer des comparaisons du type : “Une question à ChatGPT, c’est comme allumer une ampoule LED pendant 35 minutes” ou “dire bonjour à ton IA consomme l’équivalent d’un verre d’eau”. Dans cet article, on va s’efforcer de ne pas comparer des micro-ondes et des IA, mais plutôt de t’expliquer les différents impacts de l’IA sur l’environnement, de façon simple. Notre but ultime : te donner des méthodes pour tenter de le réduire.

L’IA accélère une pollution du numérique déjà galopante

Chaque jour, tu utilises l’IA, parfois sans même t’en rendre compte. Que ce soit en posant une question à Mistral ou ChatGPT, en laissant Netflix te suggérer une série, ou en tapant une recherche sur Google, l’intelligence artificielle est partout. Et son impact s’ajoute à celui, déjà lourd, du numérique.

- Le numérique, un géant énergivore : En 2022, le numérique représentait déjà 4,4 % des émissions de CO₂ de la France, un chiffre qui a doublé en deux ans [1].

- L’IA augmente le besoin de data centers : Les data centers existent depuis des décennies pour stocker les données, héberger les services en ligne et faire “tourner” internet. Mais là où l’IA change la donne, c’est qu’elle exige des data centers « hyperscale », bien plus gourmands en énergie, et un renouvellement fréquent de leurs puces. Résultat ? L’impact environnemental de ces infrastructures se démultiplie. Aujourd’hui, les data centers représentent 46% de l’empreinte numérique (contre 16% seulement en 2020) [2], ce qui en fait la deuxième source de pollution numérique en France, après la pollution générée par la fabrication des appareils (ordinateurs, téléphones, réseaux,…).

- Des émissions en hausse chez les géants du secteur : Les chiffres des grandes entreprises parlent d’eux-mêmes : +23 à 29 % d’émissions carbone pour Microsoft depuis 2020, +34 % pour Amazon depuis 2019. [3] [4]

La bonne nouvelle ? On n’est pas obligés de rester les bras croisés. L’ADEME propose par exemple des pistes concrètes pour un numérique plus responsable, à commencer par de la sensibilisation auprès de ton entourage : Découvrir les solutions

Consommer ou polluer : comprendre les deux faces d’un même impact

Quand tu utilises une IA, tu ne vois ni les serveurs qui chauffent, ni les quantités d’eau utilisées pour refroidir les data centers, ni les mines de métaux rares qui s’épuisent. Pourtant, chaque requête a un coût bien réel pour la planète.

1) Au recto, la consommation : ce qu’on prend à la terre, sans toujours le savoir

Pour fonctionner, l’IA a besoin :

- D’électricité : des serveurs qui tournent 24h/24, comme des frigos géants toujours branchés.

- D’eau : des milliers de litres pour éviter la surchauffe des data centers.

- De métaux rares : cobalt, lithium, gallium… extraits dans des conditions souvent critiques, pour fabriquer les puces ultra-puissantes (GPU)

Ces ressources, on les extrait, on les transforme, on les transporte. Des étapes invisibles pour toi, mais qui nécessitent également de l’énergie tout au long du process. C’est une consommation de ressource éloignée de l’usage qu’il est difficile de prendre en compte quand on mesure l’impact de l’IA.

2) Au verso, la pollution : ce qui est rejeté dans la nature lorsque l’IA est utilisée

La consommation d’énergie ou de matière entraîne toujours une pollution, qu’elle soit :

- Carbone : l’électricité qui alimente ton appareil et fait tourner les serveurs génère une empreinte carbone bien réelle, plus ou moins importante si cette électricité est produite avec de l’énergie nucléaire ou bien des centrales à charbon.

- Thermique : les data centers rejettent des quantités colossales d’énergie thermique, souvent dans la nature.

- Physique : l’extraction des métaux rares (cobalt, lithium, terres rares), nécessaire à la fabrication des équipements, libère des produits chimiques dans les sols et les cours d’eau

En résumé, tout dépend de ce que tu mesures. Parfois, on parle de l’impact de l’IA en watts-heure par requêtes (l’éléctricité consommée), parfois en grammes de CO2 par requête (la pollution générée). En réalité, pour avoir une vision complète, il faut regarder les 2 !

Entraînement vs inférence : le grand écart énergétique

L’impact environnemental de l’IA se joue à deux moments clés : l’entraînement et l’inférence.

- L’entraînement, c’est le marathon énergétique :

Avant de répondre à la moindre question, un modèle doit “apprendre”.

C’est la phase d’entraînement, où des milliards de données sont analysées pour créer le modèle que tu utilises aujourd’hui.

Ce processus dure parfois plusieurs mois, mobilisant des serveurs en continu : les fameux data centers

Résultat : une explosion de la consommation électrique, de l’eau pour le refroidissement, et des émissions indirectes de CO₂.

- L’inférence, c’est le sprint invisible :

Une fois entraînée, l’IA “répond”. Chaque fois que tu poses une question, des calculs sont effectués en quelques secondes sur des serveurs distants : c’est cette phase que l’on appelle inférence. C’est rapide, mais énergivore. Les processeurs chauffent, consomment de l’eau et sollicitent à répétition des infrastructures déjà gourmandes en énergie. C’est un peu comme si un marathon énergétique (l’entraînement) était suivi de millions de sprints quotidiens : les requêtes. C’est l’addition de tous ces sprints qui finit par coûter le plus cher à la planète.

- L’effet rebond

Le problème avec l’IA, c’est la facilité d’usage et la généralisation rapide des outils. À l’origine, l’IA promettait des économies , et notamment de gagner du temps, réduire les dépenses d’énergie, optimiser le travail humain, limiter l’usage de ressources matérielles. Mais dans les faits, on observe une plus grande consommation globale de ressources. Ce phénomène est appelé effet rebond (ou paradoxe de Jevons) [7]. Il apparaît à plusieurs niveaux :

-Matériel : la demande croissante en services d’IA entraîne la multiplication des data centers, mais aussi le renouvellement accéléré des équipements nécessaires pour exécuter des modèles toujours plus puissants.

-Comportemental : ce qui n’était à l’origine qu’un usage ponctuel devient un réflexe quotidien [8]

-Économique : l’IA ouvre la porte à de nouveaux usages et à de nouvelles offres qui n’existaient pas auparavant : plus de services, plus de contenus, plus de besoins… et donc plus de consommation.

Au lieu de réduire notre impact, l’IA tend ainsi à déplacer et amplifier les dépenses énergétiques et matérielles, si bien que les gains initiaux espérés sont souvent annulés par l’augmentation globale des usages.

Pourquoi il n’existe pas “un chiffre exact”

Tu veux savoir combien “pèse” une question posée à ChatGPT ? Voilà pourquoi la réponse est un casse-tête :

Raison n°1 : il n’y a pas de norme qui permette de parler de la même chose pour la consommation d'un data center, à l'inverse d’autres secteurs comme l’automobile. Si le “10L au 100” permet de comparer la consommation de chaque voiture, aucune unité de mesure commune n’est officialisée pour les data centers.

Raison n°2 : Aucun loi n’impose pour l’instants aux opérateurs de data centers, comme Microsoft ou Amazon, de rendre publics les chiffres de consommation énergétique de leurs infrastructures.

Et comme il n’y a ni l'un ni l'autre, chaque entreprise est libre de donner ses propres chiffres et ce sont d’autres organismes qui font les calculs. Raison pour laquelle les chiffres peuvent considérablement varier - cf l’exemple du chiffre donné par Meta et confronté par Carbone 4 dans cet article :  L’IA Générative… du changement climatique !

Comment agir et reprendre le contrôle sans culpabiliser

Oui, l’impact écologique de l’IA est important. Oui, les réponses manquent encore, mais non : tout n’est pas perdu.

Il y a des choix individuels bien sûr, mais ce sont surtout des choix politiques forts à faire : et ils doivent être portés collectivement.

Il faut remettre la tech à sa juste place, sortir du mythe de l’IA, arrêter de la personnifier.

Comment ? En agissant collectivement et individuellement, sans se sentir coupable.

Collectivement, on peut :

- Former ou rejoindre des collectifs militants (Data for Good, Latitudes, Quadrature du net ...)

- Soutenir la sobriété numérique et la recherche open source (ex : en utilisant Mistral, Hugging Face).

- Encourager les politiques publiques dans la réglementation grâce à des mouvements citoyens

Individuellement, tu peux :

- Te former, lire, apprendre, suivre les personnes influentes. La peur n’exclut pas le danger, et comme souvent l’éducation est la clé ****: tu peux commencer avec les ressources partagées tout au long de cet article.

- Questionne ton usage de l’IA : as-tu vraiment besoin d’une IA pour cette tâche ? n’existe-t-il pas un autre moyen plus responsable ? La sobriété numérique tient aussi dans le fait de ne pas faire, de réutiliser des éléments qui existent déjà. Une IA qui ne pollue pas est une IA qu’on n’utilise pas.

- Utilise les bons outils plutôt que de l’IA : par exemple PONS pour de la traduction, des correcteurs en ligne, des moteurs spécialisés.

- Évite la génération d’images, et préfère utiliser des banques d’image gratuites comme Pexel par exemple

Et si, malgré ça, l’IA est indispensable pour l’usage que tu veux en faire :

- Privilégie de plus petits modèles comme https://huggingface.co/chat, https://www.jan.ai/, https://duckduckgo.com/?q=DuckDuckGo+AI+Chat&ia=chat&duckai=1 ou utilise https://openrouter.ai/. Plus un modèle est petit, moins il est énergivore.

- Rédige des prompts courts : forme toi au prompting pour rédiger des prompts plus courts et plus efficaces (cf les conseils de France Num). Tu peux aussi mesurer la taille de tes prompts grâce à l’outil : https://platform.openai.com/tokenizer

En résumé

L’impact de l’IA est bien réel, mais mal mesuré. Et si on ne peut pas (encore) tout quantifier, on peut déjà choisir de mieux faire.

Chez Share it, on ne prône pas le retour au minitel, mais l’usage raisonné : utiliser la tech quand elle a un sens, la questionner quand elle dérape, et toujours chercher l’impact avant la productivité.

Et il y a aussi des cas d’usage au service de l’impact, comme celui de Règles Elementaires par exemple.

Parce que l’avenir ne sera pas 100 % IA ni 0 % IA, changeons nos comportements pour qu’il soient sobres, intelligents et choisis.

Ça coule de (nos) sources :

[1] Data centers : la face pas si cachée du numérique - ADEME Infos. (2025, September 16). ADEME Infos. https://infos.ademe.fr/magazine-janvier-2025/data-centers-la-face-pas-si-cachee-du-numerique/

[2] notre-environnement. (2025, April 10). Numérique : un impact sur l’environnement en forte hausse. Notre-environnement. https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/numerique-un-impact-sur-l-environnement-en-forte-hausse#:~:text=Les centres de données sont,représente 50 %25 des émissions.

[3] Microsoft – 2025 Environmental Sustainability Report blog, 29 mai 2025 blogs.microsoft.com

[4] De Chant, T. (2025, June 2). Breakneck data center growth challenges Microsoft’s sustainability goals. TechCrunch. https://techcrunch.com/2025/06/02/breakneck-data-center-growth-challenges-microsofts-sustainability-goals/

[5] Mace, A. (2025, November 2). Intelligence artificielle : le vrai coût environnemental de la course à l’IA. Bon Pote. https://bonpote.com/intelligence-artificielle-le-vrai-cout-environnemental-de-la-course-a-lia/

[6] Bougerol, E.. Le coût environnemental de l’IA. Basta! https://basta.media/le-cout-environnemental-de-l-ia

[7] Paper page - From Efficiency Gains to Rebound Effects: The Problem of Jevons’ Paradox  in AI’s Polarized Environmental Debate. https://huggingface.co/papers/2501.16548

[8] Ipsos. (2025, August 27). Intelligence artificielle : quels sont les usages des Français ? Ipsos. https://www.ipsos.com/fr-fr/intelligence-artificielle-quels-sont-les-usages-des-francais